Rencontre avec Marc Dejean, Rédacteur en Chef du quotidien Presse Océan et partenaire du HybLab 2014.
Pouvez-vous me présenter en quelques mots Presse Océan ?
Presse Océan est un journal qui a 70 ans cette année. C’est un quotidien départemental, essentiellement basé aujourd’hui sur la Loire Atlantique, dont les zones de force sont Nantes et toute la métropole, Saint-Nazaire et une partie de la presqu’île (voir la vidéo).
Le journal compte un peu moins de 50 journalistes et 4 éditions : Nantes Métropole, Nantes Nord, Nantes Sud et Saint Nazaire/presqu’île. C’est aussi 120 correspondants et pigistes (40% des communes de la Loire-Atlantique disposent d’un correspondant de Presse Océan). C’est une diffusion quotidienne de 32 000 exemplaires 6/7 jours. Nous avons également une édition du dimanche qu’on appelle Presse Océan Dimanche qui elle est diffusée à environ 24 000 exemplaires.
Presse Océan, c’est aussi un site web, datant de 6/7 ans, avec 790 000 visiteurs par mois (20 à 23 000 visiteurs uniques par jour). On remarque que les chiffres sont en hausse constante (hausse de 33% par rapport à Janvier 2013).
Pourquoi avoir accepté de participer une seconde fois au HybLab ? Qu’est ce qui vous attire dans ce projet et en quoi cela peut-il être un exemple à suivre pour les médias locaux ?
Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai accepté de participer au HybLab. Tout d’abord, une raison interne qui est une raison de curiosité et de formation. Il y a une chose qui est existentielle pour un journaliste, c’est sa curiosité. À chaque fois qu’il se passe quelque chose de nouveau, nous devons avoir cette curiosité là. Le HybLab est donc quelque chose d’innovant qui, en plus, concerne l’exercice de notre métier. Nous avions également le soucis d’inscrire Presse Océan, à la fois avec les 70 ans du journal et profondément dans le présent et dans l’avenir. Je trouvais cela important d’associer le journal à des choses nouvelles, qui bougent, des choses novatrices pour bousculer les idées pré-conçues.
Au niveau de l’aspect externe, c’est par rapport à nos lecteurs. Dans la mesure où c’est une nouvelle source, ce sont de nouveaux développements, une nouvelle traduction du journalisme, dont eux-mêmes entendent parler. Nous souhaitons donc, en tant que journalistes, les informer, leur expliquer ce que cela signifie, ce qu’ils peuvent en tirer. Cela redonne du sens à notre métier.
Cette deuxième participation permet donc d’apprendre, de sensibiliser en interne et pour nous, de commencer à s’emparer de cette nouvelle source pour pouvoir très concrètement nous en servir dans le journal et sur le site web.
Abstention/participation : un enjeu municipal à Nantes. C’est le projet de Presse Océan cette année. Pourquoi avoir proposé ce sujet et qu’en attendez-vous par la suite ?
J’ai choisi ce sujet à la fois en interne pour sensibiliser mes équipes et en externe pour apporter de la vraie information et continuer à capter les lecteurs et intéresser les internautes. C’est un sujet que j’allais de toute façon traiter d’une manière ou d’une autre, sur lequel j’allais être très vite limité parce que j’allais tomber dans des notions très chiffrées.
Avec ce sujet, nous sommes parfaitement dans l’illustration de ce qui a du sens. On est sur beaucoup de données, sur la nécessité de les trier, de les mettre en perspective, de les expliquer et de les rendre relativement attractives tout en restant collé à l’actualité. Le sujet des élections municipales, arrivant dans deux mois et demi est donc important à traiter, et reste en cohérence totale avec l’objectif du journal qui est un média local parlant de la vie de tous les jours. C’est également une manière d’étendre le cercle des journalistes curieux. Le fait de parler d’un sujet d’actualité lié à ce qu’on traite tous les jours est évidemment de nature à intéresser la rédaction.
Pour nos lecteurs et nos internautes, c’est une façon de continuer à remplir nos missions. Il est clair que l’on pourra sortir un certain nombre d’éléments qui expliqueront ce thème là, tout à fait cohérent avec la ligne éditoriale du journal, en assumant le rôle de rappeler aux citoyens qu’il est important d’aller voter.
Quelle est votre vision du datajournalisme ?
Le datajournalisme est un prolongement, une nouvelle branche, un outil supplémentaire mais cela n’a rien de révolutionnaire non plus. En effet, ces données en elles-mêmes n’apportent rien du tout. Elles peuvent même être un piège absolu. Le datajournalisme peut être une “fausse bonne idée” si nous n’y mettons pas de l’intelligence, de la réflexion, du tri, du recul, de l’analyse, de l’illustration, de l’interview etc. Cette nouvelle branche demande alors énormément de travail de décryptage et de compréhension si l’on ne veut pas noyer quelqu’un à travers le flux d’informations.
Quelle place occupe-t-il au sein des rédactions locales et comment voyez-vous son évolution ?
Nous n’avons pas fait le choix de former les journalistes au sein de la rédaction, mais nous avons bien conscience qu’avec le datajournalisme, il y a là une nouvelle source et une matière journalistique à imaginer, à apprendre et à faire.
C’est pour cela que je suis assez favorable à des approches pragmatiques. J’ai saisi cette opportunité car on peut apercevoir une montée en puissance qui est récente. Il est donc intéressant de se mêler à cette nouveauté et “d’apprendre en marchant”. Nous avons la nécessité de continuer à vivre avec notre ancienne vie de journaliste mais en revanche, nous sommes obligés d’apprendre une deuxième vie.
Le métier de journaliste reste important, nécessaire à l’avenir. Il doit continuellement se remettre en cause et se rappeler qu’il doit être utile à la société. Nous avons un rôle à assumer : nous devons être pédagogiques, nous devons apporter quelque chose à nos lecteurs et nous devons être en mesure de leur expliquer le monde dans lequel nous sommes.
Propos recueillis par Camille Cosmao.